Tous les projets
 

Aegidium

(Ce fut) une véritable stupéfaction pour la foule nombreuse des invités (...)

Méconnu et insoupçonné de l'extérieur, cet incroyable ensemble architectural de 3.260 m² est affublé d'une appellation qui peut paraître étrange si l'on ignore la référence à Saint-Gilles (Aegidius), patron de la paroisse. L'appellation originelle de cette impressionnante salle de fêtes et de spectacles était le Diamant-Palace qui, lorsqu'il changea de propriétaire en 1929, fut donc rebaptisé l'Aegidium.

Joyau de l'architecture éclectique attribué à l'architecte Guillaume Segers, le complexe a été bâti en 1905, financé par un particulier soucieux d'offrir un lieu de sortie à la bourgeoisie du sud de Bruxelles.

Mais pas n'importe quel lieu, comme en témoigne la presse de l'époque qui ne tarit pas d'éloges lors de son ouverture le 27 décembre 1906 sur le parvis de Saint-Gilles. « (Ce fut) une véritable stupéfaction pour la foule nombreuse des invités (...) Rien de plus féerique, de plus éblouissant que cette salle merveilleusement décorée, éclairée à profusion, formant un décor de rêve. Les cris d'admiration partaient sans cesse, et les coeurs des Saint-Gillois ont battu d'allégresse, car pas une commune de l'agglomération ne possède un local pareil ».

Couru du tout Bruxelles " pendant un temps que les moins de 90 ans ... ", l'endroit a traversé le siècle avec des hauts et des bas. Il ne fut « redécouvert » par le public que récemment, dans un état fort éloigné de celui de ses années fastes...  

Vivotant en retrait de l'agitation du parvis, l'ensemble fut classé en 2006. Mais il va bientôt retrouver une affectation en lien avec son architecture et son histoire, dès lors qu'il a été racheté par Cohabs & Alphastone, avec en ligne de mire un projet de lieu culturel. A ce stade, le locataire pressenti est le Théâtre Le Public.

La campagne de restauration a été confiée à MA2 dont la méthodologie en matière de restauration-réhabilitation du patrimoine classé se prète parfaitement à ce type de chantier délicat dont le but est de revenir au pristin état du bâtiment ou, en tout cas, à un état proche de celui-ci.

Comme pour tout projet, la mission de MA² consiste à trouver une adéquation, une écriture entre un lieu (hors du commun) et un programme (défini par le maître de l'ouvrage) et de rendre à l'ensemble une identité cohérente et pertinente. Ce faisant, l'architecte doit relever le défi de rendre ses lustres à cet incroyable édifice tout en offrant un cadre adapté aux arts de la scène, évènements culturels et autres festivités de la vie bruxelloise actuelle.

Menée en collaboration avec l'Irpa et les Monuments et Sites, cette mission de réhabilitation fine implique une analyse complète du bâtiment comprenant une étude historique assortie d'une étude in situ afin de reconstituer l'histoire du lieu, son évolution et ses transformations.

« Il nous faut essayer de comprendre le bâtiment ainsi que l'ensemble du décor, ceci notamment grâce à des sondages statigraphiques et à des analyses chromatiques et en les comparant avec les documents historiques ». Dans cette optique, les architectes de MA2 sont épaulés par des équipes pluridisciplinaires de scientifiques (historiens, ingénieurs, restaurateurs...) mais également d'artisans qualifiés (électriciens, chauffagistes, peintres, etc).


Plus d'infos en dessous de la fiche technique

Fiche technique

  • ObjetMission de restauration de l’Aegidium, ancien cinéma et lieu de fêtes et de spectacles classé en 2006
  • ProgrammeCréation d'un théâtre
  • DestinataireCohabs
  • PhaseChantier en cours
  • LocalisationParvis de Saint Gilles 16A-16-18, 1060 Saint Gilles

Des détails sur cet édifice exceptionnel et ses décors

L'Aegidium se déploie en intérieur d'îlot, derrière une façade néoclassique conçue dans l'esprit de l'ensemble du parvis. Celle-ci développe 3 niveaux au-dessus d'un rez-commercial jadis occupé par une brasserie. L'entrée, discrète et décentrée, ne fait qu'accroître le contraste saisissant avec un intérieur de plus en plus spectaculaire.

L'étroit couloir qui mène au hall et aux pièces annexes (vestiaire, tabagie...) n'est qu'une mise en bouche aux somptueuses salles de l'étage. L'escalier d'honneur qui y mène déploie ses deux volées droites sous une large verrière ovale dans une ambiance raffinée de marbres, de miroirs, de stucs et de mosaïques.

L'ambiance Louis XV du foyer voisine avec l'exotisme mauresque de la salle de spectacles, un exemple unique en Belgique et sans doute en Europe hors Angleterre. Cette salle d'une rare originalité pour l'époque, dotée d'un balcon soutenu par des colonnes sous arcs trilobés, est couverte d'un plafond à caissons et recouverte d'une décoration où les entrelacs voisinent avec les frises géométriques et les palmettes tandis que des nuées d'ampoules électriques l'éclairent de mille feux.

La salle de bal en vis-à-vis est relativement plus « sobre ». Inspirée du style Louis XV, elle jongle avec les miroirs, les coquilles et les médaillons.

Si cette description correspond aux articulations des espaces et aux styles qui prévalaient du temps du Diamant Palace, ce n'était plus vraiment celle de l'Aegidium lorsque les première études ont été menées pour mener à bien la campagne de restauration du bâtiment.  Le complexe s'est transformé, agrandi, cloisonné, modernisé au fil du temps, des propriétaires et des affectations qui furent son lot depuis sa création. Son parcours est émaillé de quelques gros changements parmi lesquels les modifications des baies et des ouvertures en façade dès 1925, l'aménagement d'une nouvelle salle de café par Léon Denis en 1933 ainsi que divers remaniements et la mise en place d'une cabine technique sur le toit de l'immeuble.

Mais c'est surtout la malencontreuse construction en 1956 par Hendrickx et Stevens d'une dalle de béton dans la salle de bal afin d'aménager deux espaces superposés qui paraît irrémédiable, d'autant que son sens nous échappe aujourd'hui. Dans la foulée du grand déballage auquel ils se sont attelés et dans un esprit de cohérence, les architectes comptent évidemment supprimer ce socle inopportun.

Paradoxalement, alors que le bâtiment initial, ses décors mais aussi ses volumes, sont littéralement noyés sous les couches de peinture, d'unalit, de faux-plafonds et autres maquillages parfois fonctionnels, parfois aberrants, ces grimages et autres cache-misère ont souvent contribué à la sauvegarde de certains éléments. C'est ainsi que pas mal de céramiques décoratives de la Maison Helman, certaines boiseries, stucs et peintures ont pu être conservés, comme les bouquets des médaillons du plafond de la salle de bal, tout dernièrement révélés sous d'épaisses strates de couleurs.

Cette restauration se révèle donc une aventure passionnante ; elle devrait se conclure lorsque le lieu, recouvrant ses authentiques atours, semblera avoir toujours été !

Partager